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Commentary

La croissance mondiale et la Chine

NEW HAVEN – Malgré toutes les inquiétudes suscitées par le fameux ralentissement économique de la Chine, cette dernière reste le principal artisan de la croissance du PIB mondial. Sa contribution est d’autant plus importante que l’économie mondiale tourne au ralenti et ne pourra probablement pas résister à une crise d’envergure sans verser dans une nouvelle récession.

Quelques chiffres pour illustrer cette situation. Si la croissance du PIB de la Chine atteint l’objectif officiel de 6,7% cette année – ce qui est légèrement supérieure à la dernière prévision du FMI de 6,6% – elle comptera pour prés de 39% de la croissance mondiale (soit 1,2 points de pourcentage de la croissance du PIB mondial qui devrait s’élever à seulement 3,1% cette année selon la prévision actuelle du FMI).

En comparaison, la contribution des autres grands pays est minime. Ainsi la croissance du PIB des USA dont on vante la reprise devrait atteindre à peine 2,2% cette année – une contribution de seulement 0,3 points de pourcentage à la croissance du PIB mondial – soit environ le quart de la contribution chinoise.

L’Europe dont l’économie tourne au ralenti ne devrait contribuer que pour 0,2 point de pourcentage à la croissance mondiale, et le Japon pour moins de 0,1 point de pourcentage. La contribution de la Chine à la croissance mondiale (1,2 points de pourcentage) est donc supérieure de 50% à la contribution probable de l’ensemble des soi-disant pays avancés (0,8 point de pourcentage).

Enfin, aucun pays en développement ne se rapproche de la Chine en terme de contribution à la croissance mondiale. La croissance du PIB indien devrait atteindre 7,4% cette année, soit 0,8 points de pourcentage de plus que la Chine. Mais la part de la Chine dans la production mondiale est de 18% (calculée en terme de parité du pouvoir d’achat), largement plus du double de la part de l’Inde qui est de 7,6%. Autrement dit, la contribution de l’Inde à la croissance du PIB mondial ne devrait atteindre que 0,6 points de pourcentage cette année – seulement la moitié de celle de la Chine.

Plus largement, la Chine devrait compter pour 73% de la croissance totale des BRICS (les principaux pays en développement : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Les taux de croissance négatifs de la Russie (-1,2%) et du Brésil (-3,3%) en raison de la récession sont compensés par ceux de l’Inde (+7,4%) et de l’Afrique du Sud (+0,1%). Si l’on ne tient pas compte de la Chine, le taux de croissance de ces pays ne devrait être que de 3,2% cette année.

La Chine reste donc le principal moteur de croissance de la planète. Son économie a fortement ralenti par rapport à la période 1980-2011 durant laquelle son taux annuel de croissance était de 10% en moyenne. Néanmoins, même après la transition de “l’ancienne normalité” à la “nouvelle normalité (selon l’expression des dirigeants chinois), la croissance mondiale reste très dépendante de la Chine.

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La persistance d’une dynamique de croissance mondiale qui repose sur l’économie chinoise a trois conséquences majeures :  – Conséquence la plus visible, la baisse prolongée de la croissance chinoise a un effet d’autant plus fort sur l’économie mondiale que son taux de croissance est inférieur à sa tendance à long terme de 3,6%. Sans la Chine, ce taux serait de 1,9% environ cette année – bien en dessous du seuil de 2,5% que l’on associe généralement aux récessions mondiales.

– Autre conséquence en rapport avec ce qui vient d’être dit : la crainte très répandue qu’un atterrissage brutal de l’économie chinoise n’ait des conséquences catastrophiques à l’échelle de la planète. Chaque baisse d’un point de pourcentage du taux de croissance du PIB chinois se traduit par une baisse de 0,2 points de pourcentage du PIB mondial. Si l’on y ajoute l’effet sur le commerce extérieur, cette baisse pourrait avoisiner 0,3 point de pourcentage.

Si l’on définit un atterrissage brutal par une baisse de 50% du taux de croissance actuel de 6,7%, ses effets directs et indirects se traduiraient par une baisse d’un point de pourcentage de la croissance mondial. Dans ce cas, une nouvelle récession mondiale serait inévitable.
– Enfin, et c’est à mon avis le plus probable, il faut tenir compte des conséquences mondiales d’un rééquilibrage réussi de l’économie chinoise. Le monde à tout intérêt à ce que la Chine poursuive sa transition économique d’un modèle basé sur les exportations et les investissements à un autre basé sur la consommation intérieure.
La demande intérieure de la Chine pourrait alors doper la croissance des exportations de ses principaux partenaires commerciaux – à condition naturellement qu’elle leur ouvre ses marchés en croissance rapide sans leur imposer de pénalité. Ce serait un puissant stimulant de la demande globale dans une économie mondiale anémiée. Il ne faut pas écarter cette possibilité dans une période où le commerce mondial est en débat.

Bien que les regards se tournent en priorité vers la situation économique des USA, de l’Europe et du Japon, celle de la Chine reste potentiellement un atout pour une économie mondiale fragilisée. Un atterrissage brutal de l’économie chinoise serait désastreux, mais la réussite de son rééquilibrage serait d’un grand secours. L’Empire du Milieu pourrait donc jouer un rôle décisif dans le devenir de l’économie mondiale.

Le taux de croissance de l’économie chinoise paraît se stabiliser autour de 6,7% pour le premier semestre de cette année, mais le pays aura encore à affronter bien des difficultés au cours du deuxième semestre. Si la baisse des investissements productifs du secteur privé se prolonge, cela pourrait accroître les pressions associées au désendettement, à une demande extérieure qui reste faible et à un cycle immobilier en phase difficile.

Les autorités chinoises ont toute latitude dans le choix de leur politique économique, contrairement aux gouvernements des principaux pays avancés dont la marge de manœuvre politique est limitée et qui doivent constamment arbitrer entre la réponse à apporter aux pressions cycliques à court terme et les réformes structurelles à long terme. Le gouvernement chinois quant à lui, peut parfaitement répondre simultanément à ces deux défis.

Si les responsables chinois choisissent cette voie multidimensionnelle, cela ne pourra que bénéficier à une économie mondiale encore faible et vulnérable. Plus que jamais le monde a besoin que la Chine réussisse. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz 

Stephen S. Roach

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