[bsa_pro_ad_space id=1]

Commentary

Les vulnérabilités du système financier

LONDRES – Depuis quelques semaines, des deux cotés de l’Atlantique les dirigeants politiques affirment que le système financier est équilibré et stable. La Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé en juin que toutes les banques américaines ont réussi leur test de stress annuel. Et la présidente de la Fed, Janet Yellen, pense que la prochaine crise financière n’est pas pour demain.


Quant au Conseil de stabilité financière (FSB, Financial Stability Board) – qui veille à ce que les régulations financières à travers le monde respectent les normes internationales – il a écrit dans une lettre adressée aux dirigeants du G20 que les “formes toxiques des banques du secteur financier non régulé” sont en train d’être éliminées.

Autrement dit, les mesures prises pour renforcer le système financier international ont incontestablement une certaine efficacité, notamment en ce qui concerne le renforcement des réserves en capitaux et le redressement du bilan de parties importantes du système bancaire. Les dernières garanties apportées par les dirigeants politiques rassurent ceux d’entre nous qui estiment que les mesures destinées à réduire le risque financier systémique sont insuffisantes et qu’il en est de même de celles consacrées à mettre les banques véritablement au service de l’économie réelle et à éviter qu’elles ne constituent une menace pour cette dernière.

Mais il est trop tôt pour affirmer que le systéme financier dans son ensemble est sain. Dans certains pays européens, les mesures destinées à consolider le secteur bancaire sont encore très insuffisantes. Et surtout les risques financiers continuent à migrer vers les secteurs non-bancaires.

Après les prises de risque irresponsables qui ont failli faire basculer l’économie mondiale dans une longue dépression en 2007-2008, les régulateurs et les banques centrales des pays avancés ont consacré beaucoup d’énergie à renforcer leur systéme financier et ils se sont intéressés en premier lieu au secteur bancaire. De ce fait, les banques ont renforcé leurs réserves en capitaux propres, redressé leur bilan, accru leur liquidité, amélioré leur transparence, limité les opérations à haut risque et revu leurs incitations à la spéculation de manière à décourager les conduites irresponsables. Et le processus d’intervention auprès des banques en difficulté ou en faillite a été amélioré.

Les dirigeants politiques ont non seulement renforcé le secteur bancaire, mais normalisé le marché des produits dérivés, amélioré sa transparence et sa solidité, ce qui évitera dans l’avenir aux contribuables de financer des plans de secours en faveur des institutions irresponsables. Par ailleurs le systéme de règlement a été rendu plus sûr, ce qui diminue le risque d’un arrêt brutal de l’activité économique – comme celui qui s’est produit fin 2008.

Il est encourageant de voir les autorités nationales coordonner leurs politiques sous les auspices du FSB. Cela réduit les risques d’un arbitrage entre réglementations, et celui que les banques soient “internationales durant leur vie, mais nationales au moment de mourir”, selon la fameuse formule de Mervyn King, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre.

Les USA et le Royaume-Uni ont été les premiers à engager des réformes, suivis par l’Europe. Si elle se traduit dans la réalité, la garantie donnée par Yellen de parvenir à un système bancaire américain “beaucoup plus fort” s’appliquera à toutes les autres autorités bancaires d’importance systémique du monde développé. Et la déclaration pleine d’assurance du FSB selon laquelle “les réformes ont corrigé les failles à l’origine de la crise financière mondiale” sera beaucoup mieux accueillie.

[bsa_pro_ad_space id=1]

Mais il est trop tôt pour déclarer victoire. Bien que le FSB considère maintenant que le système financier est “plus sûr, plus simple et plus équitable”, il reconnaît l’apparition de “risques qui, si l’on n’intervient pas, pourraient s’opposer à l’objectif du G20 de parvenir à une croissance forte, durable et équilibrée”.

En tant qu’observateur et participant des marchés financiers internationaux, je note trois risques principaux :

1) Les banques les mieux régulés ayant mis fin (volontairement ou pas) à certaines de leurs activités, elles ont été remplacées par des sociétés qui ne sont pas soumises aux mêmes normes en matière de régulation et de supervision.

2) Des segments entiers de ces sociétés sont confrontés à une “illusion de liquidité”, une partie de leurs produits pouvant susciter une attente illusoire quant aux liquidités qu’ils pourraient rapporter à des clients se livrant à des transactions dans certains domaines (obligations de sociétés à haut rendement ou obligations de sociétés des pays émergents) particulièrement vulnérables à la volatilité des marchés. Parallèlement, les fonds côté en Bourse prolifèrent, tandis que les intermédiaires financiers sont de moins en moins nombreux en comparaison des clients en bout de chaîne, plus importants et plus sophistiqués.

3) Le système financier n’a pas encore été percuté par l’ensemble des ruptures technologiques liées aux avancées technologiques (dans le domaine des grandes bases de données, de l’intelligence artificielle et de la mobilité) qui bouleversent un nombre croissant de secteurs économiques. Et la technologie financière (Fintech) dont le rayon d’action augmente alors qu’elle est mal régulée, n’a pas encore passé le test d’un cycle complet du marché.

Ce n’est très probablement pas le secteur bancaire qui va être à l’origine d’une nouvelle crise financière mondiale, dangereuse pour la croissance et la prospérité. Mais il est trop tôt pour affirmer que le danger est derrière nous.

Du fait de la transformation des risques et de leur migration hors du secteur bancaire, les régulateurs et les responsables politiques devront intensifier leurs efforts et élargir la surveillance au-delà du secteur bancaire. Ainsi que l’a souligné Greg Ip dans le Wall Street Journal en 2015, pousser le risque hors de l’économie revient à appuyer sur une excroissance sur une chambre à air, elle réapparaît souvent à un autre endroit. Et de conclure : “Il en est de même avec les mesures destinées à rendre le système financier plus sûr depuis la crise financière”.Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Mohamed A. El-Erian est conseiller économique en chef d’Allianz. Il a été président du Conseil de développement mondial du président Obama. Il est également auteur d’un livre intitulé The Only Game in Town: Central Banks, Instability, and Avoiding the Next Collapse.

par Mohamed A. El-Erian

[bsa_pro_ad_space id=1] [bsa_pro_ad_space id=2] [bsa_pro_ad_space id=3] [bsa_pro_ad_space id=4] [bsa_pro_ad_space id=5] [bsa_pro_ad_space id=6]
Back to top button