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Commentary

Politique toxique contre meilleures pratiques économiques

NEW YORK – La relation entre la politique et l’économie est en train de changer. Les politiciens dans les pays avancés sont englués dans des conflits bizarres, souvent toxiques, qui les empêchent d’agir en vue de mettre en œuvre le consensus économique croissant sur la façon d’échapper à la période prolongée de croissance faible et inégale que nous connaissons. Cette tendance doit être inversée, avant qu’elle ne paralyse structurellement le monde avancé et n’emporte les économies émergentes par la même occasion.

De toute évidence, les querelles politiques n’ont rien de nouveau. Mais, jusqu’il y a peu, la norme était que, si les économistes professionnels atteignaient un consensus technocratique sur une approche de politique donnée, les dirigeants politiques le suivraient. Même lorsque plusieurs partis politiques radicaux tentaient de pousser un programme différent, des forces puissantes – qu’il s’agisse de la persuasion morale des gouvernements du G7, des marchés de capitaux privés, ou de la conditionnalité attachée aux prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale – faisaient presque toujours en sorte que l’approche consensuelle soit finalement adoptée.

Dans les années 1990 et 2000, par exemple, le soi-disant Consensus de Washington a dominé l’élaboration des politiques dans une grande partie du monde ; de nombreux pays, depuis les États-Unis jusqu’à une multitude d’économies émergentes, se sont engagés dans la libéralisation des échanges, la privatisation, l’utilisation accrue des mécanismes de prix, la déréglementation du secteur financier, ainsi que des réformes fiscales et monétaires mettant l’accent sur l’offre. L’adoption du consensus de Washington par les institutions multilatérales a amplifié sa transmission, aidant à faire avancer le processus plus large de la mondialisation économique et financière.

Les gouvernements suivants – en particulier ceux dirigés par des mouvements non-traditionnels, arrivés au pouvoir suite au malaise et à la frustration de la population face aux partis traditionnels – ont parfois été en désaccord avec l’opportunité et la pertinence du Consensus de Washington. Mais, comme le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva l’a démontré lors de son célèbre revirement politique de 2002, ce consensus tendait à l’emporter largement. Et il a continué à exercer son influence jusqu’il y a environ deux ans, lorsque le Premier ministre grec Alexis Tsipras a exécuté un demi-tour tout aussi notable.

Néanmoins, après des années de croissance anormalement lente et fortement inégalitaire, le consensus est en train de se briser. Les citoyens des pays avancés sont frustrés par un « establishment » – dont les « experts » économiques, les leaders politiques traditionnels et les sociétés multinationales dominantes – qu’ils accusent de plus en plus d’être responsable de leurs difficultés économiques.

Les mouvements et figures anti-establishment ont été prompts à se saisir de cette frustration, usant d’une rhétorique inflammatoire et même combative pour engranger un soutien populaire. Ils n’ont même pas besoin de gagner des élections pour perturber le mécanisme de transmission entre l’économie et la politique. Le Royaume-Uni l’a démontré en juin, avec son vote pour le Brexit – une décision qui a défié directement le large consensus économique selon lequel l’intérêt de la Grande-Bretagne était de rester au sein de l’Union européenne.

Le référendum a eu lieu pour une seule raison : en 2013, le Premier ministre de l’époque David Cameron craignait d’être incapable d’obtenir un soutien suffisant de sa base au Parti conservateur lors des élections générales cette même année. Par conséquent, il a flatté les électeurs eurosceptiques avec la promesse d’un référendum. La source de la crainte de Cameron? La perturbation politique provoquée par le UK Independence Party – un parti anti-establishment qui a fini par gagner un seul siège au Parlement, pour se retrouver peu de temps après sans leader et dans la tourmente.

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A présent, il semble que les vannes soient ouvertes. Lors de la récente conférence annuelle du Parti conservateur, les discours de la Première ministre Theresa May et des membres de son cabinet ont révélé une intention de poursuivre un « Brexit dur », menant à un démantèlement des arrangements commerciaux qui ont bien servi l’économie. Ils ont également attaqué les « élites internationales » et critiqué les politiques de la Banque d’Angleterre qui ont aidé à stabiliser l’économie britannique au lendemain du référendum – offrant de ce fait du temps au gouvernement de May pour formuler une stratégie de Brexit cohérente.

Plusieurs autres économies avancées connaissent des développements politiques analogues. En Allemagne, la percée surprenante du parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland lors des dernières élections régionales semble déjà influencer le comportement du gouvernement.

Aux Etats-Unis, même si la campagne présidentielle de Donald Trump ne parvient pas à ramener les Républicains à la Maison Blanche (comme il semble de plus en plus probable, étant donné que le dernier rebondissement de cette campagne très inhabituelle a vu de nombreux dirigeants républicains désavouer le candidat de leur parti), sa candidature laissera probablement un impact durable sur la politique américaine. S’il n’est pas bien géré, le référendum constitutionnel en Italie en décembre – un pari risqué du Premier ministre Matteo Renzi pour consolider son soutien – pourrait se retourner contre lui, tout comme ce fut le cas pour le référendum de Cameron, ce qui provoquerait des troubles politiques et saperait les actions efficaces entreprises pour relever les défis économiques du pays.

Ne vous méprenez pas: des options politiques solides et crédibles sont disponibles. Après des années de performance économique médiocre, il est largement admis qu’il est nécessaire de sortir de la dépendance excessive à la politique monétaire non conventionnelle. Comme la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, l’a expliqué , « les banques centrales ne peuvent pas représenter la seule option valable ».

Et pourtant, elles l’ont été. Comme je le montre dans mon livre The Only Game in Town, publié en janvier, les pays ont besoin d’une approche politique plus globale, impliquant des réformes structurelles pro-croissance, une gestion de la demande plus équilibrée (y compris davantage de dépenses fiscales en matière d’infrastructure), et une meilleure coordination des politiques et de l’architecture internationales. Il est également nécessaire, comme a été mis en évidence par la longueur de la crise grecque, de traiter les poches de grave surendettement, ce qui peut avoir un terrible impact s’étendant bien au-delà de la population directement touchée.

L’émergence d’un nouveau consensus sur ces points est une bonne nouvelle. Mais, dans le contexte politique actuel, traduire ce consensus en action prendra probablement trop de temps, voire ne se fera pas. Le risque est que, si la mauvaise politique évince les bonnes pratiques économiques, la colère populaire et la frustration augmentent, rendant la politique encore plus toxique. Il faut espérer qu’un leadership politique éclairé prendra les rênes à temps pour faire les corrections à mi-parcours nécessaires de manière volontaire, avant que des signes non équivoques de crise économique et financière ne forcent les décideurs à se démener pour minimiser les dégâts.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont Mohamed A. El-Erian, Conseiller économique principal chez Allianz, est Président du Conseil pour le développement mondial du président américain Barack Obama et auteur deThe Only Game in Town: Central Banks, Instability, and Avoiding the Next Collapse.

Par Mohamed A. El-Erian

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