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Pour sortir l’Afrique de la pauvreté

PEKIN – Tous les pays à faibles revenus ont le potentiel pour avoir une croissance économique dynamique. Nous le savons parce que nous l’avons vu constaté à plusieurs reprises : une économie agricole pauvre se transforme en une économie urbaine moyenne ou même à revenus élevés en une ou deux générations.

La clé est de saisir la fenêtre d’opportunité pour l’industrialisation résultant de la délocalisation de la production, selon l’exemple des pays à revenus élevés. Cela fut vrai aux XIXème et au XXème siècle et cela reste vrai aujourd’hui.

Le Japon a saisi son opportunité dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, en utilisant des industries exigeantes en main-d’œuvre, comme le textile et l’électronique de base, pour gérer son économie jusqu’à ce que la hausse des coûts de main-d’œuvre réduise son avantage comparatif dans ces secteurs. Ce changement a ensuite permis à d’autres économies asiatiques à faibles revenus (Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong, Singapour et dans une certaine mesure, Malaisie et Thaïlande), de suivre les traces du Japon.

La Chine bien sûr est le tout dernier pays de la région à avoir emprunté ce sentier battu. Après plus de trois décennies de croissance économique vertigineuse, elle est passée du statut d’un des pays les plus pauvres de la planète à la plus forte économie du monde. Et maintenant que la Chine commence à son tour à perdre son avantage comparatif dans les industries exigeantes en main-d’œuvre, d’autres pays en développement, notamment en Afrique, commencent à prendre sa place.

En effet, depuis la Révolution industrielle, l’essor de l’industrie légère a entraîné une augmentation spectaculaire du revenu national. La mutation économique du Royaume-Uni a commencé par le textile. En Belgique, en France, en Suède, au Danemark, en Italie et en Suisse, l’industrie légère a ouvert la voie. De même, aux États-Unis, des villes comme Boston, Baltimore et Philadelphie sont devenues des centres de production pour le textile, l’habillement et la cordonnerie.

Jusqu’à récemment, peu de personnes croyaient que l’Afrique puisse aussi devenir un centre industriel moderne. Mais avec de bonnes politiques, il n’y a aucune raison pour que les pays africains ne puissent pas suivre une trajectoire similaire.

Pensez par exemple à un pays enclavé comme l’Éthiopie qui, il y a tout juste dix ans, semblait être un pari particulièrement mauvais. Mais le pays a construit un parc industriel près d’Addis Abeba et a invité le cordonnier chinois Huajian à y ouvrir une usine. Huajian a ouvert ses portes en janvier 2012 avec deux chaînes de production et environ 600 ouvriers. À la fin de l’année, elle employait 2 000 Éthiopiens et doublait les exportations de chaussures en cuir du pays. Aujourd’hui, l’entreprise compte 3 500 travailleurs en Éthiopie et produit plus de deux millions de chaussures par an.

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En 2013, stimulé par le succès de Huajian, le gouvernement éthiopien a créé un nouveau parc industriel, avec un espace pouvant accueillir 22 unités de production. En trois mois, elles étaient toutes louées à des entreprises orientées vers l’exportation, originaires de Turquie, de Corée, de Taiwan, de Chine et d’ailleurs. La Banque Mondiale a fourni 250 millions de dollars pour encourager la poursuite de la construction de ces parcs industriels.

L’histoire du succès de l’Éthiopie n’est qu’un début. Plus les investisseurs vont se renseigner sur l’Afrique, plus ils seront en mesure de voir ce que ce contient a à leur offrir. En effet, le coût de la main d’œuvre en Afrique est assez compétitif pour que l’Éthiopie réussisse à attirer des entreprises de pays pauvres comme le Bangladesh. L’Afrique a un excédent de main-d’œuvre agricole et trop peu d’autres emplois. Comme les entreprises étrangères lancent des opérations dans des secteurs de main-d’œuvre dans lesquels l’Afrique a un avantage comparatif, elles souhaitent former la main-d’œuvre locale.

Certains travailleurs deviendront gestionnaires. Ils pourront se familiariser avec la technologie et apprendre à maintenir une qualité constante dans la chaîne de production. Ils vont établir des contacts avec les acheteurs et les investisseurs internationaux. Et par la suite, certains d’entre eux seront en mesure de mobiliser des capitaux et des entreprises pour démarrer leur propre entreprise : les sociétés d’exportation exploitées et détenues par des Africains.

L’Île Maurice donne l’exemple. Dans les années 1970, le gouvernement a créé des parcs industriels pour traiter les textiles et les vêtements pour l’exportation. À l’époque, la plupart des propriétaires étaient originaires de Taiwan ou de Hong Kong. Aujourd’hui, plus de 70% des entreprises industrielles de l’île appartiennent à des entrepreneurs locaux.

Une stratégie d’exportation bien ciblée est essentielle. La communauté internationale de développement et de nombreux gouvernements africains veulent travailler à l’intégration régionale, qui relie les marchés de 55 pays africains. Cela pourrait avoir ses avantages, mais ne devrait pas être une priorité. L’Afrique représente aujourd’hui seulement 1,9% du PIB mondial, contre 21% pour les États-Unis et 23% pour l’Europe.

Les pays en développement doivent utiliser leurs ressources limitées de la manière la plus efficace possible et les possibilités les plus intéressantes se trouvent indubitablement en Afrique. Par exemple, au lieu d’investir massivement dans l’infrastructure nécessaire à l’intégration régionale, un pays comme l’Éthiopie devrait plutôt construire des parcs industriels et les relier par la route vers les ports de Djibouti.

Avec la bonne stratégie de croissance, un changement radical peut changer la vie de nombreuses personnes. Mon pays natal Taiwan a désormais une économie à revenus élevés. Mais quand j’y suis né en 1952, l’île était plus pauvre que presque tous les pays d’Afrique.

Puis cela m’est arrivé à nouveau. J’ai déménagé en Chine continentale en 1979, lorsque le revenu par habitant du pays était inférieur à un tiers de celui de l’Afrique sub-saharienne. Aujourd’hui, la Chine est devenue un pays à revenus moyens-supérieurs et est en voie de devenir un pays à revenus élevés d’ici 2020.

J’espère pouvoir assister à une troisième transformation économique dans ma vie, cette fois-ci en Éthiopie et dans d’autres pays d’Afrique. S’ils gardent le cap fructueux de nos prédécesseurs, il y a toutes les chances que cela ait effectivement lieu.

Justin Yifu Lin, ancien économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale, professeur et doyen honoraire de l’Ecole nationale de développement de l’Université de Pékin, directeur fondateur du Centre de recherche économique chinois, a publié tout dernièrement Against the Consensus: Reflections on the Great Recession.

Copyright: Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org

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