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Commentary

Un Brexit dénué de tout avantage pour l’UE

MILAN – Jusqu’à très récemment, les Européens prêtaient peu attention au référendum britannique sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Maintenant que la possibilité d’un « Brexit » se fait palpable, ils s’inquiètent de plus en plus de ce qu’un tel événement pourrait impliquer.

Mais plutôt que de réfléchir rationnellement aux risques potentiels, beaucoup de ces Européens se comportent comme s’ils étaient membres d’une grande famille sur le point de perdre un riche parent, dont ils semblent en pensées se répartir l’héritage avant même que ne soit lu le testament du principal intéressé.

C’est clairement le cas de l’Italie, où beaucoup voient dans le Brexit une aubaine, à l’heure où le Premier ministre Matteo Renzi, profondément favorable à l’UE, œuvre en première ligne pour une Europe plus intégrée, au cœur de laquelle se démarquerait une péninsule Apennine prospère. Or, de tels espoirs reviennent à surestimer considérablement les avantages potentiels du Brexit pour le reste de l’UE, et à en sous-estimer gravement les risques.

Philippe Legrain weighs the views of Joschka Fischer, Richard Haass, Joseph Nye, and others on what Britain’s withdrawal from the EU would mean for both sides. Pour commencer, la hausse du coût des échanges commerciaux avec le Royaume-Uni, importateur non négligeable de produits italiens, viendrait affecter les exportateurs d’Italie, à l’heure où le pays s’efforce encore de s’extraire de sa plus grave récession depuis la Seconde Guerre mondiale. L’espoir populaire selon lequel ni le Royaume-Uni, ni l’UE ne s’imposeront mutuellement de restrictions sur les échanges commerciaux apparaît tout au plus peu convaincant, compte tenu de ces tendances protectionnistes qui alimentent l’euroscepticisme britannique, ainsi que de la possibilité de voir les dirigeants politiques européens chercher à dissuader d’autres États membres de suivre l’exemple du Royaume-Uni.

Le Brexit provoquerait par ailleurs une importante agitation sur les marchés financiers. Beaucoup en minimisent ici encore les risques, prévoyant certes quelques turbulences, mais seulement à court terme. Un certain nombre d’économistes italiens, tels que Francesco Giavazzi de l’Université Bocconi, vont même jusqu’à annoncer d’importantes retombées positives pour le secteur financier, considérant que le déclin de Londres en tant que principal lieu de transactions en euro pourrait conférer une puissante dynamique aux places financières du continent, telles que Milan. Or, cette conception vient contrarier l’expérience d’effondrement de la finance et de l’économie réelle observée à la suite de la faillite de Lehman Brothers en 2008.

Au cours de la décennie qui a précédé la Grande Récession d’après-2008, les secteurs financiers d’Europe sont devenus profondément intégrés – processus qui a considérablement bénéficié à la City londonienne. Même si Londres profitait déjà à l’époque d’un avantage comparatif majeur en tant que place financière mondiale, l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE a considérablement renforcé sa stature, en lui permettant d’obtenir un accès garanti à l’infrastructure financière de la zone euro. Les institutions financières basées à Londres bénéficient aujourd’hui d’un accès au système de paiement en euro. En outre, le fait que la Banque centrale européenne ait conclu un accord de swap avec la Banque d’Angleterre (BoE) a encore davantage minimisé le risque de crise des liquidités.

Si le Royaume-Uni venait à quitter l’UE, les risques associés aux liquidités pourraient bien grimper en flèche, et nécessiter une dépendance vis-à-vis de l’accord de swap de la BCE, de la même manière que la Réserve fédérale américaine a été contrainte d’appuyer le marché du dollar en Europe, au moyen d’accords de swap auprès de la BCE, après l’effondrement de Lehman. Ici, les risques associés à un tel défi pour le secteur financier britannique se révéleraient encore plus prononcés, dans la mesure où les marchés des instruments dérivés, qui représentent une large proportion des transactions financières effectuées à Londres, s’avèrent extrêmement sensibles aux problématiques de liquidité, et où les transactions libellées en euro abondent à Londres, et représentent une part considérable du PIB britannique.

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Par ailleurs, la perte d’accès du Royaume-Uni à l’infrastructure financière de la zone euro viendrait souligner la fragilité d’un marché financier caractérisé par une asymétrie considérable de devises, ce qui pourrait provoquer la panique chez les investisseurs. En somme, il est raisonnable de s’attendre à ce que le Brexit engendre un important choc financier.

Du côté de l’Italie, où le secteur bancaire n’est pas encore pleinement rétabli de la récente crise financière – et demeure bel et bien affecté par le poids considérable des prêts non productifs – un tel choc se révélerait dévastateur. Ajoutez à cela un taux de chômage de plus de 40 % chez les jeunes, ainsi qu’un niveau de revenus identique à celui d’il y a 16 ans (et inférieur aux niveaux d’avant 2000), et l’ « Europe romaine » que certains annoncent apparaît alors comme un horizon peu probable.

Après tout, sera-t-il si avantageux d’attirer à Milan une poignée de chambres de compensation supplémentaires, à l’heure où l’agitation des marchés financiers vient creuser les différentiels en matière de prêts bancaires et d’obligations d’État ? Ces centaines de milliers de jeunes italiens – bien souvent talentueux, instruits et travailleurs – qui se ruent depuis quelques temps vers le Royaume-Uni en quête d’un emploi, bénéficieront-ils réellement de ces gains minimes lorsqu’ils seront contraints de regagner leur pays, sans emploi en poche ?

Tout ceci en dit long sur le risque ultime que pourrait engendrer le Brexit : renforcement des mouvements populistes, et de leur message nationaliste dangereux. Leurs chefs de file, qui reprochent depuis bien longtemps à l’UE les difficultés économiques de l’Italie, chercheraient sans aucun doute à exploiter les conséquences du Brexit pour persuader les citoyens de tourner le dos à l’Europe.

Bien entendu, une telle argumentation conserverait son absurdité. Le véritable obstacle à la stabilité et à la prospérité de l’Italie n’est autre que la présence de puissants groupes de pression, qui s’opposent depuis bien longtemps à des réformes pourtant nécessaires. En réalité, le pays s’en sortirait beaucoup moins bien en dehors de l’UE, qui impose implicitement certaines limites à la puissance des groupements d’intérêts. Il n’en demeure pas moins que si, en raison de leur désespoir, les Italiens et d’autres peuples venaient à succomber à la tentation populiste, le projet européen tout entier pourrait se trouver menacé.

L’Italie ne bénéficierait guère d’une influence quelque peu supérieure si cela devait avoir lieu dans une UE en état de désintégration, même si Milan venait effectivement à disposer d’une poignée de cabinets de services financiers supplémentaires, et à employer quelques centaines de nouveaux professionnels grassement rémunérés. Il est temps que les Européens se mettent à prendre au sérieux les menaces financières, économiques et politiques que soulève concrètement le Brexit. À défaut, lorsqu’ils découvriront enfin le testament de leur défunt homologue, ils pourraient bien se retrouver les mains vides – et confrontés à tout un héritage de passifs.

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