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Commentary

L’interdiction imminente des armes nucléaires

PRINCETON – Le 27 mars, les Nations Unies entameront les négociations d’un traité international visant à interdire les armes nucléaires. Ce jalon marquera la fin d’une ère où l’humanité a vécu un péril existentiel.


Ce jour devait arriver. Dès les débuts, même ceux qui ont mis le monde sur la voie des armes nucléaires savaient les dangers mortels et les enjeux moraux à laquelle l’humanité était confrontée. En avril 1945, le ministre américain de la Guerre Henry Stimsonexpliquait au président Harry Truman que la bombe atomique serait « l’arme la plus terrible jamais connue dans l’histoire de l’humanité ». Stimson l’avertissait que « le monde dans son état actuel d’avancement moral par rapport à son développement technique serait éventuellement à la merci d’une telle arme. En d’autres termes, la civilisation moderne serait complètement détruite ».

Peu de temps après, l’ONU nouvellement créée, fondée avec pour but explicite « de sauver les prochaines générations des affres de la guerre », prenait très au sérieux le danger présenté par les armes nucléaires. En janvier 1946, dans le cadre de sa première résolution, l’ONU lançait un appel pour instituer un programme « d’élimination des armements atomiques nationaux ».

L’Union soviétique a soumis en juin de la même année, un tel projet. Généralement oubliée aujourd’hui, la proposition Gromyko comprenait un « projet de convention internationale destinée à interdire la production et l’emploi d’armes fondées sur l’utilisation de l’énergie atomique dans un but de destruction massive ». À l’époque, les États-Unis étaient les seuls dotés d’armes nucléaires et ils ont tout fait pour maintenir leur domination en ce domaine. Mais ils n’ont pas pu tenir plus longtemps. Là où l’Amérique était en avance, d’autres pays ont suivi, obligeant l’humanité à subir les décennies subséquentes de développement d’armes, de course à l’armement, de prolifération et de crises nucléaires.

Les mouvements antinucléaires se sont enracinés et selon une phrase rendue célèbre par l’historien E.P. Thompson, se sont mis à organiser des manifestations afin d’assurer leur propre survie. Ils ont trouvé des alliés dans un nombre grandissant de pays. En novembre 1961, l’Assemblée générale de l’ONU déclarait que « tout État utilisant des armes nucléaires et thermonucléaires doit être jugé en état d’infraction de la Charte des Nations unies, d’avoir agi à l’encontre des lois de l’humanité et d’avoir commis un crime contre l’humanité et la civilisation ».

À mesure que grandissent le nombre des armes nucléaires et leur puissance destructrice, et que même les pays en développement s’en sont munis, la prise de conscience des dangers a donné lieu au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, entré en vigueur en 1970.

Le traité commence par cette phrase : « Considérant les dévastations qu’une guerre nucléaire ferait subir à l’humanité entière et la nécessité qui en résulte de ne ménager aucun effort pour écarter le risque d’une telle guerre et de prendre des mesures en vue de sauvegarder la sécurité des peuples ».
À cette fin, le traité engageait tous les signataires à « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmementnucléaires [sic], […] ».

Les États-Unis, l’Union soviétique et la Grande-Bretagne ont signé le traité. La France et la Chine, les seuls autres États dotés de l’arme nucléaire à l’époque, se sont abstenues pendant plus de 20 ans, jusqu’en 1992. Israël, l’Inde et le Pakistan ne l’ont jamais signé, alors que la Corée du Nord l’a signé, mais s’est ensuite rétractée. Malgré toutes les professions de foi pour l’instauration d’un monde sans armes nucléaires, les négociations pour le désarmement n’ont jamais commencé.

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La grande majorité des pays sans armes nucléaires ont pris les choses en main. Par l’intermédiaire de l’Assemblée générale de l’ONU, ils ont demandé à la Cour internationale de justice de statuer sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. En juillet 1996, la CIJ a rendu un avis consultatif, comportant deux grandes conclusions. Premièrement, « la menace ou le recours aux armes nucléaires serait en général contraire aux règles de droit international applicables aux conflits armés, et en particulier aux principes et aux règles de droit humanitaire ». Et, deuxièmement, « Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmementnucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace ».

Or, dans les 20 années après que la plus haute cour du régime de droit international ait rendu son verdict, les États concernés n’ont toujours pas entamé les « négociations menant au désarmement nucléaire ». Ils se sont plutôt investis dans des programmes à long terme pour maintenir, moderniser et dans certains cas agrandir leur arsenal nucléaire.

Les États non armés ont pris l’initiative par le truchement d’une série de conférences internationales et de résolutions de l’ONU. Finalement, en octobre 2016, le premier comité de l’Assemblée générale de l’ONU, qui est chargé de la paix et de la sécurité internationale, a voté « pour organiser en 2017 une conférence des Nations Unies dans le but de négocier un instrument juridiquement contraignant qui interdit les armes nucléaires, préfigurant leur élimination totale ». Le 23 décembre, l’Assemblée générale ratifiait la décision, 113 pays ayant exprimé leur soutien, 35 s’y étant opposés et 13 s’étant abstenus.

Les nouvelles directives des résolutions sont simples : « les États participant à la conférence » devraient « faire tout en leur pouvoir pour conclure le plus tôt possible un instrument juridiquement contraignant qui interdirait les armes nucléaires, sur la voie de leur élimination complète ». Le traité pourrait être prêt avant la fin de l’année.

Les neuf États dotés de l’arme nucléaire seront mis au pied du mur. Vont-ils respecter leurs engagements de se désarmer et de souscrire au traité, ou choisir de conserver leurs armes en faisant fi du droit international et des volontés de la communauté internationale ? Les États non armés qui adhèrent au traité seront également mis à l’épreuve. Comment parviendront-ils à faire face à ces pays du système international qui choisissent d’être des parias du nucléaire ? Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier Zia Mian est codirecteur du Programme sur la Science et la Sécurité à la faculté WoodrowWilson des affaires publiques et internationales de l’Université Princeton.

By Zia Mian

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