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Commentary

Le travail à l’ère de l’intelligence artificielle

WASHINGTON, DC – Le monde ne manque pas de problèmes urgents. 1,6 milliard de personnes vivent dans l’extrême pauvreté; on estime que 780 millions d’adultes sont analphabètes. Les problèmes graves ne se limitent pas aux pays en développement : les « morts de désespoir », par exemple, font actuellement grimper la mortalité chez les hommes blancs aux États-Unis. Même lorsque les économies avancées se développent, elles ne soulèvent pas tous les bateaux. Les groupes à revenu élevé se développent tandis que les ménages à faible revenu et les groupes minoritaires sont systématiquement délaissés.


En outre, certains analystes suggèrent aujourd’hui que de nouvelles formes de programmation informatique aggraveront ces développements, car des algorithmes, robots et voitures autonomes détruiront des emplois occupés par la classe moyenne et aggraveront les inégalités. Même le terme qui résume cette technologie, l’intelligence artificielle, n’est pas rassurant. Le cerveau humain est peut-être « l’objet le plus complexe dans l’univers connu » mais, en tant qu’espèce, nous ne sommes pas toujours collectivement très intelligents. Des écrivains de best-seller de science-fiction ont prédit depuis longtemps que nous inventerons un jour des machines capables de nous détruire.

La technologie nécessaire pour créer ce futur dystopique n’est pas en vue, aussi loin que porte le regard. Mais les récentes percées dans les technologies liées à l’IA offrent véritablement un énorme potentiel pour des avancées positives dans une vaste gamme d’applications, depuis les transports jusqu’à l’éducation, en passant par la découverte de médicaments. Utilisé à bon escient, cette augmentation de nos capacités de calcul peut aider la planète et certains de ses citoyens les plus vulnérables.

Nous pouvons maintenant détecter de nouvelles structures qui n’apparaissent pas de manière évidente aux observateurs humains – et cela suggère déjà des moyens de réduire la consommation d’énergie et les émissions de dioxyde de carbone. Nous pouvons augmenter la productivité de nos usines et réduire les déchets alimentaires. De façon plus générale, nous pouvons améliorer nos prédictions bien au-delà de la capacité des ordinateurs conventionnels. Pensez à la multitude d’activités dans lesquelles un avertissement d’une seconde serait utile, voire sauverait des vies.

Et pourtant, la crainte demeure: est-ce que ce ne sont pas ces mêmes améliorations qui impliqueront de renoncer à tous nos emplois – ou à la plupart de nos bons emplois? En fait, il y a trois raisons pour lesquelles l’apocalypse du travail devra attendre.

Tout d’abord, le paradoxe de Moravec s’applique. Hans Moravec et d’autres informaticiens ont fait remarquer dans les années 1980 que ce qui est simple pour nous est difficile pour l’IA, même la plus sophistiquée; à l’inverse, l’IA peut souvent faire facilement ce que nous considérons comme difficile. La plupart des humains peuvent marcher, manipuler des objets et comprendre le langage complexe à un âge précoce, souvent sans se rendre compte de la quantité de calcul et d’énergie nécessaire pour effectuer ces tâches. Les machines intelligentes peuvent effectuer des calculs mathématiques qui dépassent de loin les capacités d’un être humain, mais elles éprouvent de grandes difficultés à monter des escaliers, ouvrir une porte et tourner une vanne. Ou shooter dans un ballon de football.

Deuxièmement, les algorithmes actuels reconnaissent de mieux en mieux des structures et régularités parmi de grands ensembles de données – trouver des objets dans les vidéos sur YouTube ou détecter des fraude par carte de crédit par exemple – mais sont beaucoup moins efficaces face à des circonstances exceptionnelles qui ne correspondent pas au schéma habituel, ou simplement lorsque les données sont rares ou contiennent des points aberrants. Pour traiter ces cas, vous avez besoin d’un humain, avec son expérience, son intuition et sa conscience sociale.

Troisièmement, même les systèmes les plus récents sont incapables d’expliquer ce qu’ils ont fait ou pourquoi ils recommandent un plan d’action particulier. Dans ces « boîtes noires », vous ne pouvez pas simplement lire le code pour analyser ce qui se passe ou pour vérifier s’il y a un biais caché. Lorsque l’interprétation est importante – par exemple, dans de nombreuses applications médicales – vous avez besoin d’un humain qualifié dans la boucle de prise de décision.

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Bien sûr, cela n’est que l’état actuel de la technologie – et des taux élevés d’investissement pourraient changer rapidement ce qui est possible. Mais la nature du travail va changer elle aussi. Les emplois d’aujourd’hui sont très différents des emplois d’il y a 50 ou 20 ans.

De plus, de nouveaux algorithmes informatiques auront besoin de temps pour pénétrer dans l’économie pleinement. Les secteurs riches en données tels que les médias numériques et le commerce électronique ont tout juste commencé à mobiliser les capacités créées par l’IA. La multitude d’applications précises d’IA qui pourraient affecter les emplois dans des secteurs tels que les soins de santé, l’éducation et la construction prendront beaucoup plus de temps à se répandre. En fait, cela pourrait arriver juste à temps : la population vieillissante dans les économies développées implique une diminution de la force de travail – ainsi que de plus grands besoins de services de soins à la personne – dans les décennies à venir.

Les décisions de politique publique façonneront l’ère de l’intelligence artificielle. Nous avons besoin d’opportunités et de concurrence, et non pas de la croissance de monopoles puissants, pour promouvoir le progrès technologique d’une manière qui ne laisse pas un grand nombre de personnes sur le bord de la route. Cela nécessite d’améliorer l’accès à toutes les formes d’éducation – et ce, à coût faible ou nul.

Alors que les concurrents des économies développées, y compris la Chine, investissent massivement dans l’IA, les décideurs devraient soutenir davantage la recherche fondamentale et veiller à ce que leurs pays disposent des ressources matérielles et humaines dont ils ont besoin pour inventer et fabriquer tout ce qui est en lien avec cette importante nouvelle technologie d’usage général.

Nous ne devrions pas sous-estimer la capacité des humains à infliger des dommages à leur communauté, leur environnement, et même la planète entière. La réalité pourrait finir par donner raison aux écrivains de fictions apocalyptiques. Mais, pour l’instant, nous disposons d’un nouvel outil puissant pour nous permettre à tous de vivre une vie meilleure. Nous devrions l’utiliser à bon escient.Traduit de l’anglais par Timothée Demont

Simon Johnson et Jonathan Ruane enseignent le Business mondial de l’intelligence artificielle et de la robotique à la SloanSchool of Management du MIT.

Par Simon Johnson et Jonathan Ruane

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