[bsa_pro_ad_space id=1]

Commentary

En finir avec les fantômes juridiques de l’hyperinflation brésilienne

SÃO PAULO – Le conflit juridique qui durait depuis des décennies entre les consommateurs et les institutions financières au sujet de l’impact des politiques économiques brésiliennes des années 1980 et 1990 va toucher à sa fin. En décembre de l’année dernière, des avocats représentant les consommateurs ont présenté à la Cour suprême du Brésil (Supremo Tribunal Federal – STF) une demande de ratification d’un accord conclu avec les banques.


Si le tribunal approuve l’accord, le règlement du contentieux distribuerait des milliards de Real dans les poches des épargnants. Mais plus qu’un jour de paie tant attendu pour environ un million de demandeurs, la restitution ordonnée par le tribunal marquerait également la fin officielle de la guerre jusqu’ici sans fin entre le Brésil et l’hyperinflation.

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, le gouvernement brésilien a lutté sans relâche pour stabiliser l’économie et la monnaie du pays. Au plus fort de la crise, l’inflation annuelle atteignait 2.477%. À ce rythme, les prix des produits alimentaires et des biens ménagers augmentaient quotidiennement. Une série de politiques infructueuses avaient accéléré l’inflation impactant les contrats publics et privés, affectant les salaires, les loyers et les dépôts bancaires. Des mesures très controversées – comme une confiscation des dépôts bancaires en 1990 – ont brièvement stoppé l’inflation mais ont contribué à une profonde récession.

La mise en œuvre en 1994 du Plano Real (« Le Plan Réel ») a apporté un certain soulagement, en introduisant un ensemble de mesures de stabilisation qui ont créé la monnaie actuelle. Mais ces temps étaient également troublés sur le plan politique, alors que le pays consolidait encore sa transition vers la démocratie après de longues années de dictature militaire. L’hyperinflation et ses conséquences sociales constituaient un enjeu économique pour les nouveaux dirigeants brésiliens, et la montée des inégalités constituait une grave menace pour les espoirs démocratiques du pays.

Bien que les politiciens aient fini par traverser la crise monétaire, les tensions économiques n’ont jamais vraiment disparus, même après la mise en place du plan de 1994. Bon nombre des mesures monétaires qui ont échoué ont coûté beaucoup d’argent aux citoyens. En conséquence, presque tous les plans de stabilisation de cette période ont fait face à des poursuites judiciaires, y compris le Plano Real et c’est malgré son succès. Les procès remettant en question ce plan économique sont depuis toujours en attente d’une décision finale de la Cour suprême.

Beaucoup au Brésil, et en particulier les membres de la Banque centrale, ont averti que la poursuite des litiges sur les politiques monétaires passées pourrait entraîner une rupture du système financier, conduisant à de nouveaux dysfonctionnements économiques, tels que l’insuffisance de crédit dans l’économie.

Cette possibilité semble avoir eu un effet dégrisant sur la plus haute cour du pays. Historiquement, la Cour suprême s’est rangée du côté des consommateurs dans les affaires liées aux ajustements de l’inflation sur les dépôts d’épargne. Mais les juges ont également tempéré leurs décisions dans les cas ayant des implications économiques importantes. Et, dans le cas des poursuites impliquant l’encadrement d’une politique économique, aucune décision finale n’a été prise, bien qu’elles soient sur le rôle depuis des années. C’est pourquoi l’accord conclu en décembre – qui a été ratifié par la Procureure Générale – pourrait être interprété comme une issue pour la cour.

Les détails complets de l’accord n’ont pas été divulgués. Mais il semble de plus en plus clair qu’après presque trois décennies de querelles juridiques, les consommateurs et les institutions financières ont convenu qu’une approche négociée était la seule voie à suivre.

[bsa_pro_ad_space id=1]

En conséquence, quel que soit le décompte final, les banques s’en sortiront probablement mieux que ce que les autorités craignaient. Selon les rapports, l’accord final serait d’environ de R$ 12 milliards (US$ 3,8 milliards), ce qui est loin de l’estimation précédente de la Banque centrale de R$ 150 milliards, ou les R$ 341 milliards prévus par Febraban, la Fédération brésilienne des banques.

Si ce long parcours juridique se termine effectivement cette année, une partie du mérite en reviendrait probablement aux mises à jour effectuées sur le Code de procédure civile brésilien. Les changements mis en œuvre en mars 2016 encouragent les plaideurs à recourir à la médiation et à l’arbitrage, une mesure visant à réduire les dizaines de millions de poursuites civiles qui bloquent actuellement les tribunaux. Ces révisions pourraient également aider d’autres affaires juridiques en cours à se conclure.

L’accord approuvé marquerait la fin d’un conflit juridique complexe et source de divisions qui a empêché trop longtemps les dirigeants brésiliens de laisser derrière eux l’héritage des initiatives économiques qui ont échouées. Ce serait une bonne nouvelle pour les consommateurs brésiliens et les institutions financières, ainsi que pour la santé économique générale du pays.

Camila Villard Duran est professeure de droit à l’Université de São Paulo (USP) et a été chercheuse du programme Oxford-Princeton Global Leaders Fellowship à la Woodrow Wilson School of Public and International Affairs. Arnoldo Wald est professeur titulaire de droit à l’Université d’État de Rio de Janeiro (UERJ).

Par Camila Villard Duran et Arnoldo Wald

[bsa_pro_ad_space id=1] [bsa_pro_ad_space id=2] [bsa_pro_ad_space id=3] [bsa_pro_ad_space id=4] [bsa_pro_ad_space id=5] [bsa_pro_ad_space id=6]
Back to top button