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La macroƩconomie en pleine confusion

ITHACA ā€“ Il y a quelques annĆ©es de cela, les Ć©conomistes de tous bords dĆ©claraient que la crise Ć©conomique de 1929 ne se reproduirait jamais. En un sens, ils avaient raison. AprĆØs la crise financiĆØre de 2008, nous avons eu la Grande RĆ©cession Ć  la place de la Grande DĆ©pression de la crise de 1929.

Les gouvernements sont parvenus Ć  limiter les dĆ©gĆ¢ts en injectant d’Ć©normes sommes d’argent dans l’Ć©conomie mondiale et en rĆ©duisant presque Ć  zĆ©ro les taux d’intĆ©rĆŖt. Mais aprĆØs avoir rĆ©duit la tendance baissiĆØre de 2008-2009, ils se sont trouvĆ©s Ć  court de munitions intellectuelles et politiques.

Certains conseillers Ć©conomiques ont assurĆ© Ć  leurs employeurs que la reprise serait rapide. Et il y a eu une relance : mais elle s’est par la suite trouvĆ©e au point mort en 2010. En outre, les budgets publics ont connu un fort dĆ©ficit : un hĆ©ritage de la rĆ©cession Ć©conomique que la nouvelle croissance Ć©tait censĆ©e rĆ©duire. Dans la zone euro, des pays comme la GrĆØce ont fait face Ć  des crises de la dette souveraine et les renflouements des banques ont transformĆ© la dette privĆ©e en dette publique.

L’attention s’est dĆ©placĆ©e vers le problĆØme des dĆ©ficits budgĆ©taires et vers la relation entre la croissance Ć©conomique et les dĆ©ficits. Les gouvernements doivent-ils dĆ©libĆ©rĆ©ment augmenter leurs dĆ©ficits pour compenser la baisse de la demande et des investissements nationaux ? Ou doivent-ils plutĆ“t rĆ©duire les dĆ©penses publiques afin de rendre de l’argent disponible pour les dĆ©penses privĆ©es ?

En fonction de la thĆ©orie macroĆ©conomique que l’on soutient, chacune de deux hypothĆØses peut ĆŖtre prĆ©sentĆ©e comme une politique de croissance. La premiĆØre peut conduire au dĆ©veloppement de l’Ć©conomie, parce que le gouvernement a augmentĆ© les dĆ©penses publiques ; la seconde, parce que ces mĆŖmes dĆ©penses ont Ć©tĆ© rĆ©duites. La thĆ©orie keynĆ©sienne penche en faveur de la premiĆØre hypothĆØse. Les gouvernements placent leur foi unanime dans la seconde.

Les consĆ©quences de ce choix sont claires. Tout le monde semble convenir Ć  prĆ©sent que les restrictions budgĆ©taires ont coĆ»tĆ© aux Ć©conomies dĆ©veloppĆ©es entre 5 et 10% de croissance du PIB depuis 2010.Ā 

Toute cette production et ces revenus sont dĆ©finitivement perdus. En outre, du fait que l’austĆ©ritĆ© budgĆ©taire a inhibĆ© la croissance Ć©conomique, il devenu beaucoup plus difficile de rĆ©duire les dĆ©ficits budgĆ©taires et la dette publique par rapport au PIB. Il s’est avĆ©rĆ© que la rĆ©duction des dĆ©penses publiques n’Ć©tait pas la mĆŖme chose que la rĆ©duction du dĆ©ficit, car elle a rĆ©duit du mĆŖme coup l’Ć©conomie.

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La querelle aurait dĆ» s’arrĆŖter. Ce ne fut pourtant pas le cas. Certains Ć©conomistes soutiennent que les gouvernements ont fait face Ć  la prĆ©pondĆ©rance des risques en 2010 : rĆ©duire le dĆ©ficit a pu ralentir la croissance, mais ne pas s’engager Ć  le rĆ©duire n’aurait fait qu’aggraver la situation.

Le remĆØde keynĆ©sien, dans ce dĆ©bat, a ignorĆ© l’effet de la politique budgĆ©taire sur les attentes. Si l’opinion publique croyait que rĆ©duire le dĆ©ficit Ć©tait la bonne chose Ć  faire, alors permettre au dĆ©ficit d’augmenter aurait annulĆ© tout son effet stimulant attendu. En s’attendant Ć  une probable augmentation des impĆ“ts pour Ā« payer Ā» les dĆ©penses supplĆ©mentaires, les mĆ©nages et les entreprises ont voulu augmenter leur Ć©pargne. En craignant la faillite des fonds souverains, les marchĆ©s obligataires ont voulu faire payer aux gouvernements des taux d’intĆ©rĆŖts punitifs sur leurs emprunts.

Et voici quel a Ć©tĆ© l’argument dĆ©cisif : en s’engageant Ć  un resserrement budgĆ©taire, les ministres des finances se sont donnĆ© le champ libre pour prendre certaines mesures de relĆ¢chement budgĆ©taire. Proclamer la vertu financiĆØre leur a permis de se livrer au vice financier. Ils ont pu crĆ©er une illusion financiĆØre en rĆ©duisant moins que ce qu’ils avaient promis. La plupart des ministres des finances ont procĆ©dĆ© exactement de cette maniĆØre.

Cela fait partie de la confusion dans laquelle macroĆ©conomie s’est mise elle-mĆŖme. Une fois que l’on introduit des croyances et des attentes dans l’Ć©conomie, ce qui est sans aucun doute raisonnable, les rĆ©sultats de politique budgĆ©taire deviennent imprĆ©cis. Trop de choses dĆ©pendent de ce que les gens pensent au sujet de la politique future. Dans le jargon des Ć©conomistes, les rĆ©sultats de la politique sont Ā« dĆ©pendants du modĆØle. Ā»

Le prix Nobel d’Ć©conomie Paul Krugman a montrĆ© tout son mĆ©pris Ć  l’Ć©gard de ce qu’il appelle le Ā« conte de fĆ©es de la confiance Ā» : le fait de prĆ©tendre que la politique budgĆ©taire doit obtenir le soutien des marchĆ©s obligataires. Mais montrer que la politique actuelle a fait empirer les choses ne signifie pas qu’une meilleure politique n’Ć©tait pas effectivement disponible. La rĆ©ussite de la bonne politique peut dĆ©pendre des attentes de ses effets par l’opinion publique. La question sans rĆ©ponse est la raison pour laquelle l’opinion publique doit avoir de mauvaises attentes.

Si la politique budgĆ©taire est sens dessus dessous, alors il en va de mĆŖme de la politique monĆ©taire. Les banques centrales ont tentĆ© d’Ć©viter le conte de fĆ©es de la confiance en faisant fonctionner la planche Ć  billets : techniquement, en achetant des obligations d’Ɖtat sur le marchĆ© secondaire. On s’attend Ć  ce que l’argent supplĆ©mentaire se diffuse dans l’Ć©conomie et accĆ©lĆØre ainsi l’activitĆ©. La Banque Centrale EuropĆ©enne vient de commencer un programme d’achat d’obligations de 1,1 milliards d’euros (1,17 milliards de dollars) pour contourner le veto allemand sur la relance budgĆ©taire.

Mais les effets de cet assouplissement quantitatif dĆ©pendent aussi des attentes. Si donner plus d’argent aux entreprises les rend plus confiantes, elles vont dĆ©penser plus. Si elles se mĆ©fient de la politique, elles vont thĆ©sauriser l’argent.

Les rĆ©sultats de l’assouplissement quantitatif aux Ɖtats-Unis et au Royaume-Uni ont Ć©tĆ© ambigus. Il est vrai que les gouvernements peuvent racheter leur monnaie Ć  plus bas prix suite Ć  la baisse des rendements. Mais les banques n’ont pas prĆŖtĆ© la monnaie mise Ć  leur disposition, en partie parce qu’elles l’ont utilisĆ©e pour payer leurs dettes et en partie Ć  cause de la faible demande en prĆŖts.

Le principal effet positif de l’assouplissement quantitatif a Ć©tĆ© le prix des actifs, principalement des actifs financiers. Mais une plus grande richesse pour les riches ne produit pas nĆ©cessairement beaucoup de dĆ©penses supplĆ©mentaires. Cela provoque une augmentation des inĆ©galitĆ©s et menace les bulles spĆ©culatives, ce qui peut conduire Ć  un nouveau krach financier.

Nous entrons donc dans l’ĆØre de l’aprĆØs-crise sans aucune perspective claire sur la bonne politique macro favorable soit Ć  la relance, soit Ć  la prĆ©vention de futures crises financiĆØres. De grands espoirs sont placĆ©s dans la rĆ©gulation financiĆØre en vue de limiter la crĆ©ation excessive de crĆ©dit. Mais qu’est-ce qui est Ā« excessif Ā» ? Les banques centrales vont-elles continuer Ć  viser un objectif d’inflation de 2% ? Ou doivent-elles se fier Ć  un objectif de Ā« revenu nominal Ā» ? Quelles doivent ĆŖtre les nouvelles rĆØgles budgĆ©taires et comment doivent-elles s’appliquer au sein de la zone euro ?

Les dĆ©bats Ć©conomiques cherchent Ć©tablir si les Ć©conomies de marchĆ© sont naturellement stables ou non. En tant que KeynĆ©sien, je suis fermement convaincu que les Ć©conomies de marchĆ© doivent ĆŖtre stabilisĆ©es par la politique.Ā 

PAR ROBERT SKIDELSKYĀ 

Copyright: Project Syndicate, 2015.

www.project-syndicate.org

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