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La vieille rengaine du nouveau risque financier

WASHINGTON, DC – Les principaux risques financiers auxquels font face aujourd’hui les États-Unis ressemblent beaucoup à ceux qui ont causé tant de dégâts en 2007-2008 : de grandes banques avec trop de dettes et trop peu de fonds propres dans leurs bilans. Des règlementations mondiales disparates, sans parler des organismes de réglementation qui s’endorment au volant, sont des éléments de cette vulnérabilité structurale.

Nous avons vu ce film, nous en connaissons la fin tragique. La prochaine crise risque de ressembler à film d’horreur encore plus effrayant.

Toutes les vagues de prospérité sont différentes, mais chaque crise financière majeure est structurée par le même problème : les grandes banques commencent à avoir des ennuis et sont mises au bord de la faillite. La perturbation au cœur de tout système bancaire conduit au resserrement du crédit, ce qui entraîne des effets négatifs importants sur l’économie réelle. Dans notre monde moderne où la finance s’entremêle à l’ensemble de l’économie, les conséquences peuvent s’avérer particulièrement graves, comme cela fut le cas en 2008 et 2009.

La plus importante question à poser à tout système financier est de connaître la quantité de fonds propres dont les banques disposent dans leurs bilans pour absorber les pertes. Si une entreprise subit des pertes, la valeur de ses capitaux propres diminue. Et moins de capitaux propres signifie que l’entreprise a de plus grandes de probabilités de faire faillite à cause de son endettement.

Les taux de fonds propres les plus fréquemment mis en évidence par les banques et les fonctionnaires sont trompeurs, car ils comprennent des éléments (comme la survaleur et les actifs d’impôt différé), qui sont incapables d’absorber les pertes. Nous devons plutôt prendre en compte les capitaux propres tangibles relatifs à des actifs corporels.

Et nous devons aussi nous montrer très prudents sur la méthode de comptabilisation utilisée pour les produits dérivés. Sur ce point technique mais crucial, les Normes comptables américaines GAAP (Generally Accepted Accounting Principles) sont considérablement plus accommodantes (en ce qu’elles minimisent les pertes potentielles) par rapport aux Normes internationales d’information financière (IFRS).

Thomas Hoenig, vice-président de la Federal Deposit Insurance Corporation, vient de publier ses propres calculs sur les niveaux de capitaux des plus grandes banques mondiales et ses chiffres sont à présent disponibles depuis fin 2014.

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La banque américaine la plus endettée, Morgan Stanley, a moins de 4% de fonds propres, ce qui signifie que 96% de son bilan est détenu sous une certaine forme de dette. La moyenne des grandes banques américaines est à peine en-deçà de 5% de capitaux propres.

Cela est plus (mais pas beaucoup plus) que la somme de capitaux détenue par certaines banques en difficulté à la veille de la crise financière de 2008. Citigroup ne détenait par exemple pas plus de 4,3% de capitaux propres, d’après les calculs de Hoenig en novembre 2008. Fin 2012, lorsque Hoenig a commencé à publier son ajustement US GAAP-IFRS, la moyenne pour les plus grandes banques américaines représentait à peu près 4% du capital. On peut soutenir que cette mesure clé est un pas dans la bonne direction, mais le rythme de cette amélioration est glaciaire, dans le meilleur des cas.

Plus important encore, 5% de capitaux propres n’est probablement pas suffisant pour absorber les types de pertes qu’un environnement hautement volatil va engendrer. Certains chocs importants pourraient survenir à l’improviste ces prochains trimestres.

Par exemple, les actifs peuvent s’avérer moins liquides que les investisseurs le croient, comme cela s’est produit pour les fonds du marché monétaire en 2008. Aujourd’hui, les sceptiques s’inquiètent au sujet des fonds négociés en bourse (FNB).

Ou encore, des titres exagérément complexes pourraient devenir difficiles à estimer. Lorsque des personnes qui vendent aujourd’hui des obligations structurées adossées à des prêts bancaires ne peuvent pas expliquer en détail les risques encourus, c’est un signe avant-coureur.

Ou bien encore le choc va-t-il se répercuter sur la dette souveraine dans des lieux lointains, comme cela s’est produit en 1982. Il est frappant de constater qu’aucun expert (public ou privé), n’a vraiment de prise directe sur ce qui pourrait arriver en cas d’une nouvelle série de difficultés relatives à la dette publique grecque.

Mais les chocs les plus dangereux peuvent être ceux qui sont créés par les grandes banques elles-mêmes. Le dernier développement significatif en date est celui que Better Markets, un groupe favorable aux réformes qui a révélé dans un utile document explicatif ce qu’il nomme « des filiales étrangères de facto » qui échangent des produits dérivés : un phénomène trouble susceptible d’impliquer tous les principaux acteurs.

L’astuce consiste ici à ce qu’une filiale étrangère de jure d’une banque des États-Unis doive se conformer à de nombreuses règles américaines, y compris celles qui s’appliquent à la conduite, à la transparence et à la compensation (autrement dit aux modalités réelles d’échange des produits dérivés). Une filiale étrangère censée être indépendante est exemptée de ces règles.

Mais comme l’a fait remarquer Dennis Kelleher de Better Markets, si la pression monte et qu’une crise semble se dessiner à l’horizon, les banques vont devoir faire face à une forte pression pour réintégrer ces filiales dans leur bilan. C’est exactement ce qui s’est passé lors de la dernière crise, avec Citigroup comme exemple type.

La raison principale pour laquelle de tels vides juridiques restent béants, c’est que les organismes de réglementation choisissent de ne pas les combler. Cela est quelquefois dû à un manque d’informations ou de sensibilisation.

Mais dans bien des cas, les organismes de réglementation pensent vraiment qu’il n’y a rien à redire sur le comportement en question, soit parce qu’ils ont été convaincus par des lobbyistes, soit parce qu’ils travaillaient auparavant eux-mêmes dans ce secteur d’activité (ou pourraient bientôt s’y reconvertir.)

Ça vous dit quelque chose ?

Simon Johnson est professeur à la Sloan School of Management du MIT et co-auteur de White House Burning: The Founding Fathers, Our National Debt, and Why It Matters to You.

Copyright: Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org

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